La Semaine de la Décennie des personnes d’ascendance africaine :
UN, DEUX, TROIS : c’est parti !
« GABON, ma Terre première, me revoici »
Ils étaient trente-cinq, Afro-descendants et Africains venus de tous les horizons célébrer les retrouvailles avec la terre-mère, sur les bords de la mer librevilloise. En trois jours de rencontres fraternelles et fort instruites, l’Afrique a accueilli la première une activité consacrée à la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine. Organisée conjointement par le Ministère de l’Economie numérique, de la Communication, de la Culture et des Arts, et le CICIBA, en partenariat avec le PNUD, cette rencontre a ouvert ses portes ce mercredi 17 mai 2017, à l’Hôtel Radisson Blu de Libreville, sous le haut patronage de Son Excellence ALI BONGO ONDIMBA, représenté en l’occurrence par Son Excellence Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement Emmanuel Issoze Ngondet. Des retrouvailles aux couleurs d’Afrique et des Amériques.
Dès les coups de 10 heures, le tam-tam ancestral a commencé à accueillir les invités. Libreville, point de départ, lieu de mémoire et point de retour. C’est cette triple symbolique se retrouve au cœur de la démarche des organisateur de cette Semaine. Et le tam-tam, de reprendre sa rhétorique de bienvenue, comme pour saluer le retour de ses enfants revenus d’un long voyage qui aura duré cinq siècles. Et ils étaient là, les yeux pleins des larmes, de tristesse et de joie mêlées.
C’est dans son mot de bienvenue que le président Ali BONGO ONDIMBA a trouvé les mots justes pour saluer ces retrouvailles : « Je sais combien nombre d’entre vous ont encore le cœur lourd de par le sentiment d’avoir quitté, voilà cinq siècles, la terre des ancêtres par la seule volonté des courtiers en cheptels humains. Vous voilà de retour ! Que signifie pour ce retour à la maison ? Sinon la défaite de la barbarie négrière, l’effondrement du système totalitaire de la plantation serve, remplacé aujourd’hui, dans une double avancée de la civilisation et du droit, par l’universalité des valeurs… humanistes. Depuis, un Occident (ex-courtier) contrit est né, avec ses promesses de justice, d’équité et d’égalité. C’est tant mieux. (…) Il y a plus de quatre cents ans vos ancêtres débarquèrent sur les côtés américaines, ils le firent avec des larmes de tristesse, moi, je suis heureux de vous accueillir aujourd’hui avec les larmes de joie. »
Voici arrivée l’heure de l’ouverture solennelle. Trois temps forts articulent le rituel protocolaire. Prenant en premier la parole, Madame le Maire de la ville de Libreville, Rose Christiane Ossouka Raponda, a des mots justes pour souhaiter la bienvenue à ses hôtes : «Je voudrais ici exprimer l’immense fierté de la ville de Libreville « ville de Liberté, l’hospitalité et de fraternité » et « porte d’entrée au Gabon », dont je suis la représentante, du fait d’avoir été désignée pour accueillir La semaine de la décennie internationale des personnes d’ascendance africaine.» Pour le Maire de Libreville, cette manifestation est « l’occasion de garder en mémoire les sombres moments ayant impacté l’histoire de notre continent afin de pouvoir les surpasser, de maintenir ce lien précieux avec les Afro-descendants déportés de leur terre natale, de nous rappeler de nos origines, mais surtout, de prendre nos responsabilités vis-à-vis de ce continent qui est le nôtre. »
Dans un poème émouvant, accompagné du rythme entraînant du gwo ka (tambour de Guadeloupe) de Maître Roger Raspail, Tony Ferbac, orateur non conventionnel dans ce rituel d’ouverture est quasiment entré en transe. Poète-rasta, il y a dans son propos toute la douleur d’un revenant qui retrouve sa terre matricielle, et qui revient rapporter aux siens restés sur le continent de ce qu’ils, « eux les voyageurs damnés d’hier sur des bateaux cannibales» les nouvelles de leur exil forcé, au-delà des mers. Il effeuille des absences prolongées, frissonne dans les effrois du marronnage, convoque les figures héroïque de ceux qui, parmi ses ancêtres captifs, n’ont pu atteindre la destination inconnue. Certains n’ont pu se réinventer que grâce à leur corps, à la danse et aux rites votifs, à défaut de défaillir dans la déprime imposée. « Merci Gabon, Merci CICIBA, nous voici de retour sur la terre première ».
Invité à prendre la parole, le Professeur Antoine Manda Tchebwa, Directeur Général du CICIBA, a pour sa part réaffirmé l’engagement de son centre à contribuer à la valorisation des personnes d’ascendance africaine. Ce avant de préciser : « Vous pouvez être rassurés de l’engagement du CICIBA, bénéficiant de l’appui substantiel du Ministère de L’Économie numérique, de la communication, de la Culture et des Arts, ainsi que du PNUD, à consigner de la manière la plus rigoureuse qui soit les temps forts de vos interventions respectives pour que, demain, elles soient partagées à l’échelle de toute la communauté scientifique d’ici et d’ailleurs. Interventions porteuses des savoirs comme un nouveau ferment destinés à nourrir des peuples et des civilisations Bantu et autres ».
Saisissant l’occasion, le Directeur général du CICIBA a présenté les participants à cette rencontre parmi lesquels des personnalités scientifiques de haut rang, du monde de la culture et des arts, qui ont daigné honorer de leur présence le Gabon et le CICIBA. Au nombre de ceux-ci citons : Pr Elikia M’Bokolo (Paris), Pr Charles Binam Bikoï (Yaoundé), Pr Zachée (Yaoundé) ; Pr Professeur Sheila Walker (USA) ; Dr Amina Et Taweel (Egypte) ; Pr Evelyne Marie-Verges des Pres (Guadeloupe) ; Dr Mactar Ndoye (Genève) ; Pr Monica Blerald (Guyane française) ; Pr Roger Raspail (Paris) ;Tony Ferbac (Guadeloupe) ; Alfred Roxane (Martinique) ; Pr Prince Kum’a Ndume III ; Tierno Monenembo Diallo (Guinée) ; Pr Ange Fançois Ratanga-Atoz, Pr Guy Ratassanga, Pr Nicoals Nguve, Pr Elisabeth Oyane Megnier, Maïtre Minkoe Minze, Eric Joël Bekale, David Ella Mintsa, (Gabon) ; Marie Evelyne Petrus-Barry (représentante et coordonnatrice Nations Unie et Pnud/Gabon) ; Paol Dred Mouketa ; Jean Delors Biyogue ; Dr Vincenzo Fazzino (Représentant UNESCO/Gabon), etc.
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Ayant été informé de la tenue à Libreville de cette rencontre, l’UNESCO a tenu à sa manière de marquer sa présence. Dans un enregistrement vidéo, envoyé depuis Paris, Madame Irina BOKOVA, Directrice Générale de l’UNESCO a salué la reprise des activités du CICIBA, formulé ses encouragements, tout en lui rassurant de son meilleur soutien.
Dans sa prise de parole, Madame Marie-Evelyne Petrus-Barry s’est félicitée de voir le Gabon « reconnaître et honorer nos ancêtres d’ascendance africaine qui, pendant des siècles de déportation et de souffrance, ont donné leur force de travail et leur créativité pour bâtir ce monde appelé Nouveau Monde, qui les considérait comme des meubles, ou tout au plus, des sous-hommes. C’est grâce à leur courage, à leurs sacrifices, à leur force de résistance et à leur contribution à la construction du monde d’aujourd’hui que nous sommes ici, vivants. Notre droit étant de pleurer nos morts, il est toutefois important pour nous, afro-descendants, de sensibiliser les gouvernements sur la discrimination raciale », a-t-elle souligné.
Arrive le moment tant attendu, l’allocution d’ouverture de la Semaine. S’exprimant au du patron de l’évènement, son Excellence Ali Bongo Ondimba, son Excellence Emmanuel Issoze Ngondet, Premier Ministre, Chef du gouvernement gabonais, note d’emblée que « cette rencontre étant le moyen de reconstituer l’identité des africains éparpillés de part et d’autre, permet au Gabon, en tant que Pays hôte, de contribuer considérablement aux avancées de cette démarche. La cérémonie de ce jour constitue, précise-t-il ensuite, aussi bien pour les personnes afro-descendantes que pour l’Afrique en général, le Gabon en particulier, un moment d’une exceptionnelle gravité. Il donne l’occasion, l’espace de quelques heures, à des personnes dont les ancêtres communs avaient été brutalement séparés, de reconstituer des identités jadis éparpillées, au gré d’une histoire, hélas, bien souvent douloureuse ».
Misant ses espoirs sur la capacité des spécialistes de divers disciplines prenant part à ce forum, à apporter des réponses aux questions relatives à notre histoire d’afro-descendants et les identités à reconstruire.
Le disant, il a ouvert solennellement les travaux de la Semaine de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine suivie d’une ambiance rythmique inédite : le rencontre du joueur de Gwo ka (tambour traditionnel de Guadeloupe) et des tambourineurs gabonais. Rencontre en temps réel des frères et sœurs séparés par cinq siècles de traite, et qui, sans transition ont su mailler leurs virtuosités sur un rythme gabonais comme s’ils avaient répété de longue date cet air-là. Quoique s’étant américanisés à leur corps défendant, voici que des imaginaire longtemps figés de deux côtés des océans resurgissent identiques sur les berges du Boulevard du bord de mer de Libreville.
La voilà la bonne piste de retour en Afrique, la terre première. Bravo Roger, Bravo les artistes Gabonais ! Que la fête des retrouvailles afro-descendantes commencent.
Les professeurs Elikya Mbokolo, Sheila Walker et d’autres acteurs de l’enseignement supérieur au Gabon tels que Monsieur Guy Rossatanga-Rignault, ont, devant une assemblée comptant pour la plupart des élèves et des étudiants, exposé sur la place de la diaspora africaine dans le monde et des origines de la ville de Libreville.
Le Professeur Sheila Walker, nous a entretenus sur l’importance de connaître nos origines pour mieux les valoriser et asseoir notre identité. Elle nous a démontré à travers une succession d’images et vidéos, la présence africaine à travers le monde. A l’exemple du Panama où plusieurs rue portent des noms africains tels que Mocambo ou encore Madinga ; ou de l’Argentine où il existe un groupe d’afro-argentins appelés Missibanga. De plus, le Professeur Sheila a laissé entendre : « Mon rêve pour la décennie des personnes d’ascendance africaine est la connaissance de notre diaspora à travers le monde ».
A l’issue de chacune des interventions de ces chercheurs de grande renommée s’en est suivie une phase de questions/Réponses qui a montré la réelle attention que porte l’assemblée à cette grande rencontre.
Relevons entre autres au cours de cette première journée, la projection d’un film en rapport avec la traite négrière, des prestations atypiques, aux couleurs de l’Afrique, observées à travers l’expression artistique de hautes pointures afro-descendantes telles que Tony Ferbac (poète, écrivain et musicien) et du Professeur Roger Raspail, tous deux venus de Guadeloupe.
En définitive, cette première journée nous a démontré que le processus de la quête notre identité et de la revalorisation de notre africanité, est bel et bien lancé. Vivement la prochaine journée !