MARIE-EVELYNE PETRUS-BARRY
A HONORE LES SIENS
BRAVO MARRAINE !
Elle était partout. Dynamique. Infatigable. Affrontant les insomnies et les stresses typique de tout organisateur, mais toujours optimiste, la « Marraine », comme on l’appelle si affectueusement, a mis véritablement la main à la patte de l’organisation de la Semaine de la Décennie des personnes d’ascendance africaine. Chez elle, depuis l’annonce de cette rencontre, voilà trois mois, il n’y avait plus de dimanche, plus de week-end, plus de jour férié. Tout était ouvert. Et chaque seconde, toujours si précieuse pour affiner les détails de l’organisation, avait son importance. Et, au final, c’est tout à l’honneur de la communauté afro-descendante.
Ceux qui l’on vue à l’œuvre n’arrêtait pas de dire : « Mais qu’est-ce qui lui arrive pour qu’elle se démène tant ? » Sa réponse était la même : « Pour la cause des miens, je n’ai pas à en rougir » Pour qui connaît Marie-Evelyne Petrus Barry, il n’est pas à se poser ce genre de question car elle est l’Afro-descendante par excellence. Fille de Guadeloupe, femme de poigne, militant pour une justice absolue pour les siens.
Elle porte un combat de cinq siècles. Et elle n’est pas au bout de sa lutte. En s’impliquant dans l’organisation de la Semaine de Libreville, elle n’avait qu’une raison : « Je dois, ici au Gabon, reconnaître et honorer nos ancêtres d’ascendance africaine qui, pendant des siècles de déportation et de souffrance, ont donné leur force de travail et leur créativité pour bâtir ce monde appelé nouveau monde qui les considérait comme des meubles, ou tout au plus des sous-hommes. C’est grâce à leur courage, à leurs sacrifices, à leur force de résistance et à leur contribution à la construction du monde d’aujourd’hui que nous sommes ici, vivants. Vivants, nous leur donnons ce respect qu’ils n’ont pas eu, nous leur rendons hommage tout en continuant la route vers la liberté et la pleine réalisation de nos droits fondamentaux. »
Au four et moulin, Madame Petrus-Barry a dû mobiliser, aux côtés du CICIBA et du Ministère de l’Economie numérique, de la Communication et de la culture et des Arts, une équipe de choc du PNUD, compétente, dévouée et aussi impliquée qu’elle-même. Jean Delors Biyogue, intellectuel Gabonais de grande vertu, a apporté sa grande touche tant aux travaux préparatoires qu’à la modération des rencontres scientifiques. Chapeau bas ! On en dirait autant du jeune Moctar, infographe, doublé d’un excellent opérateur de prises de vue, qui n’a rien raté de l’événement en aval et en amont. Des héros dans l’ombre étaient également à la manœuvre, au bureau tout comme sur la route.
Communicative et charismatique, Marie-Evelyne était pourtant omniprésente, dans tous les esprits, rappelant ici des détails oubliés, là les derniers dispositifs à engager avant l’arrivée des invités. Tous les invités. Elle avait à cœur son rôle de marraine. Et c’est à juste raison qu’elle se disant d’abord Afro-descendante, avant d’être Haut fonctionnaire des Nations Unies. Qui reste la maison qui lui aura tout donné. Y compris, la consolidation de la conscience afro-descendante.
Jusqu’au bout, dit-elle, elle continuera à se battre pour obtenir la réparation. C’est très important, clame-t-elle aussi fort qu’elle soit entendue jusqu’aux confins de la terre. Pour elle, les choses sont on ne peut plus claires : « La reconnaissance est justement un des 3 thèmes de la décennie internationale. Dix ans, dont deux se sont déjà écoulés. Il nous reste 8 ans pour nous attaquer à l’énorme tâche qui nous incombe. 8 ans pour éliminer 5 siècles de racisme et de discrimination structurels, enracinés dans l’esclavage et la colonisation, qui se sont auto nourris, de peur, de pauvreté, de violence et d’impunité et qui se sont infiltrés dans tous les aspects de notre vie : Dans notre éducation, dans notre intégrité physique, dans notre imaginaire et dans l’imaginaire que le monde a de nous. On nous demande souvent d’arrêter de pleurer sur notre sort. Nous ne pleurons pas, nous réclamons et nous battons pour nos droits fondamentaux. Et un de nos droits est celui de pleurer et d’honorer nos morts. Un de nos droits est celui d’avoir des lieux de mémoire où se recueillir, où faire un deuil qui n’a jamais été fait et qu’on nous demande d’oublier au nom du temps passé. Nul ne peut oublier ce qui est gravé au fer rouge au plus profond notre chair. Il n’est pas question d’oublier. Il est question de comprendre, d’accepter de vivre avec ce mal et de continuer à avancer sereinement. Et pour que ceci soit possible, il faut que l’histoire des personnes d’ascendance africaine soit connue, reconnue, enseignée à nos enfants et que les liens qu’elle a avec l’Afrique soit renforcés. L’Afrique a un grand rôle à jouer. Nous recommandons que l’Union Africaine demande à ses politiques, en rendant leur histoire, leur culture et leur contribution visibles. Ses états membres d’accorder la citoyenneté du pays d’Afrique auquel un afro-descendant la demanderait. Ceci montrerait la reconnaissance du fait que nous ne sommes qu’un, les Africains d’Afrique et les Africains d’ailleurs. Nous demandons le droit au retour, nous demandons le droit de choisir notre nationalité et de ne pas nous voir imposer une nationalité. La reconnaissance, c’est aussi comprendre la profondeur du racisme et de la discrimination raciale auxquelles font face les personnes d’ascendance africaine, en mettant à jour les données, en utilisant la discrimination positive dans les domaines publics et privés, en s’assurant de leur intégration dans les sphères économiques et Il s’agit aussi de sensibiliser les gouvernements dans les domaines de la justice, du développement et de l’application des lois et en faisant des délits du profilage racial et de la brutalité policière. La reconnaissance est aussi le développement adéquat de réparations pour les dommages subis, comme le demande la déclaration de Durban et son programme d’action. »
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Au-delà de injustices, des humiliations, de la déshumanisation et de tous les dénis dont a été victime la communauté afro-descendante de par le monde, une fois que l’on aborde l’aspect réparation, pour que la démarche puisse être complète, il est utile également d’y intégrer la justice. Ici aussi, Petrus Barry a sa petite idée : « On demande aux Afro-descendants de ne pas être amers. Nous ne sommes pas amers. Nous voulons la justice. Les personnes qui possédaient des esclaves ont été dédommagées à la fin de l’esclavage. Qu’ont reçu les afro-descendants pour les siècles d’asservissement ? Rien. Pas de retour en terre africaine car la main d’œuvre devait servir le développement continuel des pays colonisateurs soit sur les terres où les afro-descendants avaient été déportés, soit sur le continent des colonisateurs. Pour nombres d’entre eux, il existe un deuxième exil qui bien que semblant volontaire n’est que la résultante du premier. Le seul droit qui ait été accordé aux anciens esclaves est celui de ne plus avoir de chaînes visibles. Les chaînes invisibles de la pauvreté et de la discrimination sont restées. Certains d’entre nous se sont vus donner 40 acres et une mule qui leur ont été repris avec le droit de vote dans les années qui ont suivi la fin de l’esclavage. Pour cela, et les conditions des afro-descendants depuis des siècles, nous demandons justice. Nous voulons des réparations. Nous voulons que nos enfants soient fiers de ce qu’ils sont et ceci passe par des réparations. Nous demandons que les termes deshumanisants contenant des préjugés raciaux soient reconnus comme tels dans toutes les sociétés ou nous vivons et soient bannis. Nous demandons que des législations nous permettent de porter plainte et de d’être dédommagés par une justice neutre, non partisane et sans préjuges raciaux. Nous voulons que les afro descendants soient reconnus comme tels dans les sociétés dans lesquels ils vivent. Certains pays, au nom de la démocratie, ont décrété que tous les citoyens avaient les mêmes droits, que la question de la discrimination ne se posait pas pour les afro-descendants qui étaient des citoyens à part entière. Aujourd’hui, toutes les études montrent que ceci ne s’applique pas dans l’accès à l’emploi, particulièrement pour les postes de haut niveau où à compétences égales, la couleur de peau représente un désavantage. »
Une voix qui porte si haut ? On en avait besoin à cette rencontre de Libreville. Et elle était-là, au cœur même de l’organisation, distillant sa bonne humeur, parfois ses petits coups de colère, son humour, sa générosité, sa passion pour la question afro-descendante.
Ne serait-ce pour cela, le CICIBA lui devait une fière chandelle.
Merci et Bravo marraine !
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