LA FLAMME D’UN IDEAL. Nyoka Longo M’Vula Jossart & Zaiko Langa Langa
de
FOSHINO NTUMBA MUKUNDULU.
Par le Professeur Patrick MOUNDIANA DAOUDA (GABON) :
Docteur en linguistique(1995), Homme de science, linguiste-Bantuliste et Sociolinguiste.
En tant que défenseur de la bantuphonie, je vous présente cet ouvrage qui porte, en effet, sur un des flambeaux le plus marquant de la bantuphonie, Zaiko Langa-Langa. Un orchestre de légende dont l’impact va au delà de son pays d’origine. C’est avec plaisir que je vais m’employer, autant que faire se peut, à revisiter, aux côtés de l’auteur, l’histoire un groupe qui est à l’origine directe de la création d’une quarantaine d’autres ensembles musicaux en RDC d’où sont sortis de nombreux grands artistes de renommée internationale, dont Papa WEMBA.
Cela justifie toute l’attention que lui a consacré l’auteur parce que Zaiko constitue ce qu’on appelle, en critique musicale de son pays d’origine, la troisième école de la musique congolaise. En ce sens que la première est représentée par l’African Jazz de Kabasele Joseph ; la deuxième par Franco Luambo Makiadi; et la troisième par Zaiko Langa-Langa. Orchestre qui a introduit une nouvelle forme de musique, suffisamment révolutionnaire pour l’époque. Donnant ainsi lieu à toute une descendance prodigieuse qui n’a pas fini de s’étendre et de se répandre.
Zaiko Langa Langa est un support de la bantuphonie parce que la musique est un de vecteur de la diffusion de la culture. Si le lingala a pu être parlé au delà de deux Congo, et si en Afrique de l’Ouest, quelques orchestres chantent en lingala c’est parce que les parrains des deux premières écoles Kabassele et Franco avaient pu prévoir une musique capable de traverser et transcender les frontières. Ce qui a permis au lingala d’être une langue bantu relativement importante.
Zaiko Langa-Langa a pris le relai. Il a non seulement contribué à suivre le chemin tracé par ses prédécesseurs, mais aussi a beaucoup contribué à la diffusion de la culture kongo qui est l’une des plus importantes de l’ère Bantu comme la culture baluba et autres. Zaiko a été un véritable port étendard de la culture Kongo à tel point que beaucoup des groupes africains au delà de la RDC, notamment en Côte d’Ivoire, au Japon… ont continué à jouer leur musique sur la matrice qui a été pensée, conçue et écrite par Zaiko Langa-Langa.
La musique fait partie du patrimoine bantu. Pour moi, il ne faut pas parler du bantu seulement passé, même si on va le recomposer, mais il y a des productions vivantes, et c’est ce qui nous réuni ici en termes de culture vivante. D’autant plus que, sur le plan culturel, nos cultures sont de plus en plus menacées et les orchestres font partie des structures qui permettent leur résistance et leur maintien. C’est à ce titre, tout à fait salutaire, que l’auteur a porté son attention à un diffuseur et vecteur de la culture bantu.
Comment apprécier l’ouvrage, dont l’ambition est forte au sein d’un groupe qui a aujourd’hui près de cinquante ans (1969) et une telle longévité ?
Tout le mérite revient à l’auteur pour avoir su retracer avec une parfaite maîtrise la vie de ce groupe. Dans un style clair et limpide, avec une écriture très enthousiaste qui ne se départit pas, il est parvenu à élaborer une belle archéologie de la musique zaïro-congolaise. Au-delà de Zaiko Langa-Langa, c’est toute une partie de l’histoire de la musique congolaise (RDC) qui y est retracée.
On apprend dans l’ouvrage comment, à cette période, le Zaiko frayait son chemin à coté d’autres groupes de sa génération (ISIFI, Yoka Lokole, Stukas, Empire Bakuba…). C’est toute l’histoire de la RDC, à travers l’art, qui est savoureusement revisitée. C’est toute une sociologie à laquelle nous invite l’auteur Foshino Ntumba. On apprend tout l’intérêt que les hommes politiques, les aînés musiciens de l’époque portaient aux personnages de Zaiko Langa-Langa, qui était un véritable phénomène social de cet époque notamment en 1974, lorsqu’il s’est agi d’organiser le combat de Mohamed Ali et Georges Foreman. Zaiko Langa-Langa était invité à se produire aux côtés d’autres grands musiciens.
Dans ce même livre, on voit aussi comment un orchestre a écrit progressivement son histoire, et comment il a connu multiples dissensions. L’ouvrage de Foshino Ntumba raconte précisément avec force détails toutes ces péripeties.
Au-delà de ces dissensions, depuis 50 ans l’orchestre est, depuis, porté en triomphe sur tous ses parcours. Du coup, sa Flamme est aujourd’hui entrenue par Nyoka Longo Jossart, qui reste le parrain indiscutable de ce style ‘’Zaiko Langa-Langa’’, et le seul membre fondateur à faire parti du groupe.
C’est tellement rare d’avoir un groupe qui a près de 50 ans en Afrique. Un groupe qui perpétue un style reconnaissable parmi tant d’autres. C’est l’histoire de cette flamme-là qu’il a fallu restituer. Néanmoins, je demanderais à l’auteur ce qu’il pense de la suite de Zaiko. D’autant plus qu’il ne reste qu’un seul de ses pères fondateurs. Souvent j’entends parler de « patrimoine national », expression couramment liée à ce groupe, il est temps qu’on puisse hisser effectivement ce patrimoine-là sur le piédestal qui est le sien.
Pour moi, LA FLAMME D’UN IDEAL. Nyoka Longo Mvula Jossart & Zaiko Langa-Langa de FOSHINO NTUMBA MUKUNDULU est un ouvrage bien écrit et bien documenté.